Portrait
Plus chouette la vie
Pour le bien-être des mamans et des bébés, Judith Hibou, auxiliaire de puériculture à la maternité de l’hôpital Louis-Mourier, donne des cours collectifs de portage en écharpe, inspirés des pratiques africaines traditionnelles.
A l a maternité de l’hôpital Louis-Mourier AP-HP, consultations médicales à distance, visioconférences et autres visites virtuelles ont remplacé les traditionnelles séances de préparation à l’accouchement en « présentiel ».
Le covid a détricoté le lien physique des futurs parents avec l’hôpital et bousculé les habitudes des soignant·es.
Comme tous ses collègues, Judith Hibou, auxiliaire de puériculture de nuit, s’est adaptée. La blouse blanche noctambule a dû renoncer à ses cours collectifs de portage pour bébés qu’elle animait le soir, à 20 heures, dans un petit salon douillet de cette maternité de type 3, qui assure une prise en charge médicale de haut niveau. « Quand je faisais les ateliers, la salle était pleine, les mamans échangeaient entre elles, les papas découvraient les joies du portage », explique-t-elle, un brin nostalgique.
Plus d’un an après le début de la crise et malgré l’assouplissement des contraintes sanitaires, la reprise de ces rencontres conviviales entre jeunes parents n’est toujours pas à l’ordre du jour.
Mais, envers et contre tout, Judith Hibou, alias « Madame Chouette », continue de veiller sur les mamans et leurs bébés lors de ses rondes nocturnes dans les couloirs de la maternité. « Au pic de la première vague, c’était très difficile. Nous allions travailler avec la boule au ventre. C’était d’autant plus dur que nous ne pouvions pas faire ressentir notre peur aux patientes. Aujourd’hui, ça va mieux, on a plus de recul et moins d’appréhension ».
La nuit, j’ai le temps »
Désormais vaccinée, Judith Hibou espère une reprise rapide de ses réunions de groupe hebdomadaires. En attendant ce moment de grâce, elle continue d’absorber les angoisses des mamans et de leurs nouveau-nés. Au clair de lune, elle les berce de sa voix douce et mélodieuse, nourrie de près de 15 ans d’expérience en maternité. « La journée, on est débordés. La nuit, j’ai le temps. Je peux rester une ou deux heures dans la chambre de la patiente pour la rassurer et lui donner des conseils ». Dans un univers médical à flux tendus, où la technique prend parfois le pas sur l’humain, Judith Hibou travaille en intimité avec les mères. Avec, pour seuls outils, le son de sa voix, son empathie et… ses écharpes de portage en tissu africain confectionnées par ses soins au travers de Hibou Wax, l’autoentreprise qu’elle a créée, chez elle, à Colombes, il y a quatre ans.
Notre métier, c’est d’aider »
Couturière de formation, l’auxiliaire de puériculture, certifiée en 2019 « animatrice en atelier de portage physiologique en écharpe et portage du monde », a commencé à s’intéresser à cette pratique traditionnelle dès 2015 « pour répondre au besoin des patientes. Notre travail ne consiste pas juste à donner des bains. Notre métier, c’est d’aider ».
Guidée par cette philosophie qui lui colle à la peau, elle a retravaillé les écharpes pour un confort optimal de la mère et de l’enfant. « J’ai rajouté des parties plus larges et adapté le mbotu sénégalais à la mode européenne. Quand on est maman, on a aussi envie d’être sexy ! », raconte-t-elle, dans un large sourire. Grâce à ces ateliers de portage, Judith Hibou a su réconcilier la maternité avec des méthodes naturelles qui contribuent au bien-être des mères et… des pères.
Cette démarche, considérée comme pionnière il y a six ans, est aujourd’hui encouragée par l’institution de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (APHP) elle-même. À Colombes, le professeur Laurent Mandelbrot, chef du service de Gynécologie Obstétrique de l’Hôpital Louis Mourier, a toujours soutenu ses équipes dans ce type d’initiatives.
Allaitement, acupuncture et musique zen
« C’est une personne très ouverte qui nous laisse libres d’innover », confie George Thérésin, cadre sage-femme coordinatrice du service de consultations externes. Grâce à leur mentor, Judith a pu monter ses ateliers de portage ; Antoinette, sa collègue auxiliaire de puériculture, s’est spécialisée dans l’allaitement .
Les sages-femmes Philippine et Sophie proposent de l’acupuncture et Florent, l’unique sage-femme homme de l’équipe anime des réunions dédiées aux futurs pères. Quant à George Thérésin, elle fourmille d’idées pour reconnecter les patientes à leurs corps et à leurs sens : de l’aromathérapie et de la musique zen dans le hall d’accueil, des exercices physiques avec un coach sportif pour les patientes diabétiques… Autant de projets qui relèvent pour l’instant du domaine du rêve mais qui pourraient éclore une fois la crise passée, pour peu que l’hôpital en ait les moyens.
En chiffres
MATERNITÉ DE L’HÔPITAL LOUIS-MOURIER
- 3 333 naissances en 2020
- 184 professionnels dont 48 sages-femmes et 18 médecins
- 62 lits de gynécologie et obstétrique
500
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